L’enfance volée de Lydie Cazanove.

C’est la triste histoire de Lydie Cazanove.
Elle est l’une des premières réunionnaises à être arrivée au foyer de l’enfance de Guéret dans la Creuse.
Quelques mois plus tôt, Lydie avait déjà été placée au foyer Marie Poittevin à la Plaine des Cafres.
Contrairement à d’autres jeunes enfants de l’île qui ont été enlevés ou arrachés à leurs familles, Lydie a accepté de venir.

On lui avait proposait de faire des études.
Elle se rêvait institutrice.
On lui a demandé de venir.
Elle a dit oui.
On lui a dit que si elle voulait continuer ses études, il fallait aller là bas.
Pour ça, elle était d’accord. Mais on lui a menti. On ne trahit pas un enfant !  La vie meilleure promise par les services sociaux n’est jamais arrivée.

Lydie Cazanove a également gardé en travers de la gorge, les multiples refus des responsables du foyer à qui elle demandait de pouvoir rencontrer son frère.
Il était venu en métropole de son propre fait pour faire des études.

« Mais personne n’a fait de recherches. A chaque fois que je demandais, on tournait les talons. Je l’ai retrouvé 40 ans plus tard. Imaginez, la seule famille que j’avais. C’est terrible. »

Finalement, elle est restée dans la  Creuse où elle habite toujours, une cinquantaine d’années plus tard.

Voici ci dessous son histoire.

Je n’étais ni orpheline, ni abandonnée. J’avais mes sœurs, et Monsieur Cazanove.

Je ne savais pas ce qu’avait fait Debré. J’ai eu très mal quand je l’ai découvert. Mais quand j’ai vu que Monsieur Cazanove avait signé l’acte d’abandon, je me suis dit que je n’étais rien pour eux. Je n’ai jamais rien été. Il s’en foutait de moi, je n’étais qu’une bouche de plus à nourrir. Quand je suis partie et que je me suis retournée à l’aéroport, il n’y avait plus personne. Maintenant je le revendique : oui, je suis un enfant de la DDASS !!

Tous les enfants étaient fichés en trois catégories :
– les « O », orphelins.
– les « A » abandonnés.
–  les « RT », retenus temporaires, dont le lien familial n’était pas juridiquement brisé.

Les fiches précisaient le physique des enfants :
– noir.
– métis.
– mulâtre.
– blanc.
– hindou.

Il y a eu des chantages.
On échangeait un enfant contre la promesse de l’effacement d’une dette ou l’espoir d’un logement moins insalubre, on faisait miroiter aux familles un meilleur avenir, on a fait signer d’une croix des déclarations d’abandon à des parents illettrés.

Dans l’avion pour venir, il y avait des cris, des pleurs.
Les enfants pleuraient, ils avaient faim, on leur a donné de la nourriture qu’ils ne connaissaient même pas !
Ensuite, on nous a emmenés à Paris. On nous a mis dans une petite pièce.
Au fur et à mesure, les petits partaient.
Les gens venaient les chercher, les adopter.

 

Il y a des enfants qui ont été mis chez des fermiers, qui sont bien tombés. Mais il y en a qui se sont suicidés !
Moi je suis toujours restée au foyer de l’enfance de Guéret.
Là-bas, il y a eu des choses pas bien, mais on n’a pas eu faim ! Il y a eu des dérives, mais je n’ai jamais eu faim. Chez les sœurs, à La Réunion, j’ai eu faim. Chez moi, j’ai eu faim. Mais ici, jamais.

Ce que je reproche aux dirigeants du centre, c’est de faire travailler certains enfants en short et en petite chemise, sur les toits, sous la neige.
J’en veux à l’assistante sociale, Mademoiselle Payet, une réunionnaise, la femme du directeur, de ne pas avoir traité les enfants de manière équitable. Certains avaient tout, d’autres n’avaient rien, surtout ceux qui étaient un peu teintés.

Il y en a qui gardent toujours une éternelle blessure.
C’est pour ça qu’il y a eu tant de pendus. Il y en a pas mal dans les hôpitaux psychiatriques aussi.

Lydie CAZANOVE

 

 

 

 

Je n’ai jamais été placée dans une famille d’accueil.
Par contre je me suis mariée à 17 ans 1/2.
Ce mariage m’a permis d’avoir une « mère de cœur » (ma belle-mère), qui m’a remise sur pied et qui m’a apportée l’amour familiale que je n’ai pas connu auparavant.

 

Au foyer de Guéret, j’ai fugué pour me rendre au lycée voisin dans l’espoir de continuer mes études, ce qui était le but de mon départ de l’île. Devant ma colère la DDASS m’a finalement scolarisée à l’école de préparation au métier d’infirmière. Je n’avais bien sûr pas le niveau requis.

 

Depuis 11 ans maintenant, je me suis battue pour obtenir une reconnaissance des erreurs de l’état. 11 ans d’actions en justice jusqu’à la Cour de Cassation de Bordeaux, à mes frais. Jugement balayé comme les autres actions avec comme seul motif « La prescription quadriennale ».

 

La résolution du 18 février est pour moi une grande victoire. C’était le but de mon combat: « Que l’état reconnaisse ses erreurs ». Je ne demandais rien de plus.

 

Lydie fait partie des 1600 enfants réunionnais déplacés vers la métropole entre 1963 et 1982.

Les parlementaires français se sont prononcés le mardi 18 février 2014 sur « la responsabilité morale de l’Etat » sur le transfert de ces 1600 enfants de La Réunion en métropole.

Merci à Lydie pour son témoignage et ses précisions ♥

4 Commentaires

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  1. Un sujet que j’avais traité il y a un bon moment, très méconnu des métropolitains qui n’ont pas de liens à la Réunion et/ou en Creuse. Encore une dérive de l’Etat tout puissant qui se permet tout, surtout quand il a affaire à des gens qui ne comprennent pas forcément ce qu’ils signent…. Un scandale dont on n’entend pas assez souvent parler. Bel article!

    1. Un grand scandale en effet!!!!!!
      Merci surtout à Mme Lydie Cazanove pour son témoignage.

    • Anonyme sur 9 décembre 2015 à 22 h 25 min
    • Répondre

    j ai etais dans ce foyer 2 fois petit enfant la premiere fois je me souvient ily avais un grand reunionais il s appeler kèkè une fois a la salle televison un grand m avait frapper d un coup de poing au visage un raciste l educatrice marie quinque n as rien fait pour me proteger et c est kèkè qui l as mit au tapis les educateur a cette epoque de la foutaise y avais aussi josette la cuisiniere une reunionaise.la premiere fois que j etais la bas une vrais torture de la part des edcucateures surtout une femme mauvaise violette canisarese j oublirais jamais les giffles les insultes mais surtout un matin quand elle ma attraper au petit degeuner elle m as fait boire le cafer au lait avec un entonoire dans la bouche et bernard quinque l educateur et les autres se moquais de moi et me faisait peur en me disant je vais le dire a violette j etais petit mais j y suis retournner a 14ans et je me suis bien venger ils on vecut un enfer jusqu a que le juge nous vire c etais vergneau le dirlo

    • amseraye sur 4 janvier 2016 à 17 h 20 min
    • Répondre

    Merci pour ce témoignage.Je suis également une réunionnaise placée au foyer de Guéret et vous trouve très courageuse.

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