Le 22 octobre 2020, ma vie a basculé.
Ce mois-là, le COVID-19 m’a frappé de plein fouet.
Un bouleversement total, m’entraînant dans un coma artificiel dont je suis revenu avec des souvenirs flous, des émotions mêlées et une nouvelle perception du temps, de la vie, et de moi-même.
L’annonce : entre choc et incompréhension
Tout a commencé par des symptômes presque anodins.
Du 17 octobre au 22 octobre 2020 j’étais dans un état de fatigue extrême.
Une fièvre légère, une toux persistante, un essoufflement croissant…
Puis tout s’est accéléré.
Le 22/10/2024 au soir, les médecins ont pris la décision de me placer dans un coma artificiel pour protéger mon corps, affaibli par le virus, et lui donner une chance de combattre.
Qu’ai-je vécu durant ces jours d’inconscience ?
Si, pour mon entourage, j’étais plongé dans un profond sommeil, pour moi, c’était une tout autre expérience, à la frontière entre rêves et cauchemars.
Pour ma famille, ces cinq semaines furent sans doute interminables, chaque journée marquée par l’attente, l’espoir, et parfois la peur d’un appel de l’hôpital.
Mais pour moi, c’était comme cligner des yeux : un instant, puis le réveil.
Rêves et cauchemars
Je me souviens de rêves… ou plutôt de sensations.
Des images éphémères, parfois rassurantes, comme si mon esprit cherchait à m’offrir un refuge face à l’épreuve que traversait mon corps.
Je me voyais marcher sur une plage infinie, sans fin ni horizon.
J’ai voyagé un peu partout!!! Je me rappelle encore de tous mes rêves!!!
Je ressentais la chaleur du soleil, la douceur du sable sous mes pieds.
D’autres fois, c’était différent.
Des paysages étranges, des lieux inconnus, où le temps semblait ne pas exister. Ces rêves étaient calmes, presque réconfortants.
Pourtant, ils laissaient un goût d’irréel.
J’ai vécu des rêves d’une intensité que je n’avais jamais connue auparavant.
Mais tous ces instants n’étaient pas paisibles.
Des sensations oppressantes, comme si quelque chose me retenait. Ces cauchemars n’étaient pas toujours visuels.
Parfois, c’était une sensation de lutte pour respirer.
Une angoisse sourde, comme si mon esprit ressentait ce que mon corps vivait réellement : la bataille contre le virus.
Je me souviens de tous ces rêves et cauchemars.
J’ai rêvé du début jusqu’à mon réveil.
Un rêve étrange et récurrent m’a marqué : des taupes.
Ces petits animaux souterrains, que je n’avais jamais vraiment remarqués dans ma vie éveillée, ont creusé leur chemin dans mon esprit endormi, laissant derrière elles des questions, des impressions, et une fascination que je n’ai pas oubliée.
Aujourd’hui, je repense souvent à ces images.
Certains rêves continuent de m’apaiser, comme des souvenirs d’un voyage hors du temps.
Les cauchemars, eux, me rappellent la fragilité de l’existence et la force que j’ai dû puiser pour revenir.
Les sensations étaient parfois oppressantes, d’autres fois légères, mais toujours floues.
J’étais à la frontière, à mi-chemin entre deux mondes : celui de la vie et celui de l’oubli.
De mon côté, je ne me souviens pas de douleurs.
Je ne savais pas que je jouais ma survie.
Mais chaque seconde, chaque minute, mon corps luttait contre un ennemi invisible, tenace, qui n’avait qu’un but : me faire basculer de l’autre côté.
Parmi ces rêves singuliers, une image m’a particulièrement marqué : des animaux traversant des murs.
Des animaux les traversaient, comme s’ils n’existaient pas.
Des taupes, des oiseaux, des renards, et d’autres créatures plus difficiles à identifier. Ils passaient d’une pièce à l’autre, glissant à travers les parois comme des ombres, libres de tout obstacle physique.
J’étais à la fois observateur et acteur de cette scène, fasciné par cette capacité à ignorer les limites.
Pendant cinq semaines, alors que mon corps luttait, mon esprit, lui, voyageait.
Ce ne furent pas des voyages ordinaires, mais des traversées étranges, irréelles, où les frontières entre rêve et réalité disparaissaient.
Certains souvenirs me semblaient si réels qu’il m’a fallu du temps pour accepter qu’ils n’avaient été que des constructions de mon esprit.
Un rêve d’espoir
Un rêve particulier reste gravé en moi : celui d’une voûte céleste et fleurie.
Un lieu à la fois irréel et apaisant, où la beauté du ciel étoilé se mêlait à celle d’un jardin.
Je me souviens d’avoir levé les yeux dans ce rêve, calé dans un fauteuil avec des accoudoirs.
Une voûte céleste immense, infinie, parsemée d’étoiles scintillantes.
Mais ce n’était pas un ciel ordinaire. Entre les étoiles, des fleurs par centaines,par milliers, comme si le ciel s’était transformé en jardin.
Chaque fois que je clignais des yeux, la voûte céleste changeait de couleur. Le bleu étoilé devenait violet, puis doré, avant de virer à un vert éclatant. Les couleurs devenaient de plus en plus intense.
Une paix profonde.
Le silence était présent, mais c’était un silence vivant. Juste un lointain son de tam-tam à peine perceptible.
J’étais tranquille.
Ni angoisse, ni peur. Juste une sensation profonde de calme, comme si tout était à sa place, comme si rien ne pouvait me troubler.
Parfois, je sentais cette présence approcher, comme une main tendue que je ne voyais pas.
Cette sensation de « venir me chercher » n’avait rien d’angoissant. Ce n’était pas une injonction, mais plutôt une invitation.
Lorsque je suis revenu à la réalité, ce rêve est resté avec moi. Il m’a accompagné dans ma convalescence, m’offrant une image d’espoir, et elle me rappelle que la vie, malgré ses épreuves, peut être magnifique.
ok
Le retour à la réalité
Petit à petit, la réalité a pris forme.
Le souvenir de mes rêves s’est estompé, mais une sensation persistante demeurait : celle d’avoir vécu quelque chose de profondément transformateur. La lumière, la chaleur, les bruits du monde extérieur… tout me semblait à la fois familier et étrangement nouveau.
Je me souviens de mes premiers instants de pleine conscience, où tout semblait suspendu.
J’avais l’impression de renaître, de retrouver un corps qui m’appartenait, mais dans lequel je n’étais plus tout à fait moi. Le temps, les visages, les gestes semblaient déformés, comme si le monde m’était étranger.
Physiquement affaibli, j’ai dû réapprendre à marcher, respirer, et même à retrouver la force de me projeter dans l’avenir.
Tout a commencé par des bribes de conscience.
Un souffle, un bruit de machines, des voix lointaines.
Puis, petit à petit, les sensations sont revenues.
Je sentais mon corps, lourd et engourdi. Les bruits autour de moi se sont précisés : des murmures de médecins, des bruits d’instruments, puis le visage flou de mon fils, de ma fille.
Un autre défi m’attendait : réapprendre à bouger, à respirer, à parler.
La transition entre le monde des rêves et la réalité s’est faite lentement, presque imperceptiblement, comme si j’étais encore suspendu entre les deux, cherchant ma place dans cette nouvelle réalité.
Mais je ne voulais pas quitter l’obscurité, pas tout de suite. Les rêves, les cauchemars, les visions de la voûte céleste, des taupes, des animaux traversant les murs, étaient encore présents, comme si je les avais vécus réellement.
J’étais à la fois fatigué et apaisé, et une partie de moi hésitait à revenir complètement.Aujourd’hui, je regarde cette période avec un mélange de gratitude et de respect.
Gratitude pour les soignants qui m’ont sauvé, pour ma famille qui a espéré
Rééducation
Quatre mois de rééducation ont suivi, un processus long et difficile, mais nécessaire pour reconstruire ce que la maladie avait pris.
Chaque mouvement, chaque geste semblait une montagne à gravir. Mes muscles étaient faibles, et chaque effort demandait une énergie que je n’avais plus.
Les premiers mois ont été marqués par une série d’exercices de rééducation, mais aussi par une exploration des limites physiques.
Chaque jour, les progrès étaient minimes, à peine perceptibles, mais pourtant essentiels. Il fallait reconstruire tout, recommencer à marcher.
Rien ne semblait aller de soi, chaque mouvement était un défi.
Chaque jour, je faisais des progrès, parfois invisibles aux yeux des autres, mais que moi seul pouvais mesurer. Chaque pas était une victoire et à chaque étape, il faut célébrer ces petites victoires.
Heureusement, les rêves, les souvenirs du coma, étaient toujours là, une source de réconfort et de motivation.
Le calme, la tranquillité que j’avais ressentis, étaient un phare dans la nuit de la rééducation. Et, paradoxalement, c’est dans les moments les plus difficiles que ces souvenirs revenaient comme une promesse de renaissance, de guérison.
Une page tournée, mais jamais oubliée
Cette expérience m’a changé.
Elle a laissé une empreinte indélébile sur ma vie et sur la façon dont je perçois le monde.
Désormais, chaque jour est une opportunité, chaque instant une occasion d’être pleinement présent.
J’ai longtemps hésité à écrire ces quelques lignes.
Il m’a fallu quatre ans.
Quatre ans pour vous livrer mon témoignage.
A ceux qui traversent cette épreuve, ou qui ont un proche plongé dans cet état, je veux dire : l’espoir est une lumière. Même dans l’obscurité, il existe.
Et parfois, revenir à la vie, c’est renaître avec une nouvelle vision du monde.
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